Rémi CARDON

Sénateur de la Somme

Encore 7 milliards de cadeau fiscal aux entreprises?

Le candidat Macron l'avait annoncé et ce sont bien 7 milliards de cadeau fiscal aux entreprises qui risque d'être faits sur le dos des ménages et au détriment des collectivités locales. Quand le couple Macron-Le Maire veut supprimer la CVAE...

Après avoir procédé à la suppression de la part de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) dévolue aux Régions, soit un allègement fiscal de l’ordre de 7,2 milliards par an, Emmanuel Macron et son Gouvernement devraient prochainement supprimer la part restante de CVAE destinée aux intercommunalités et aux communes, représentant un nouveau manque à gagner de 7 milliards d’euros. 

Si cette suppression est mise en œuvre, ce produit de CVAE sera, sans doute, remplacé par un nouveau transfert de recettes de TVA aux collectivités territoriales. Dans cette hypothèse, les recettes nettes de TVA alimenteraient désormais majoritairement le secteur social et les collectivités territoriales, alors que l’Etat ne bénéficierait plus que de 47 à 48% du produit annuel de TVA. C’est donc d’autant moins de crédits qui seront, demain, fléchés vers le régalien, et ce, simplement pour faire un énième cadeau aux entreprises.  

La CVAE est aujourd’hui payée par les entreprises en bonne santé financière: celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000€ par an en sont exonérées, et celles dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 000 000€ bénéficient d’un dégrèvement pris en charge par l’Etat.  

La suppression totale de la CVAE n’est pas sans interroger quant aux intentions réelles de l’Etat et à la considération qu’il accorde aux collectivités locales. La CVAE représentait en 2018 environ 13 milliards d’euros fléchés directement vers les collectivités locales et leur permettait d’assurer à la fois leur fonctionnement, mais également l’exercice de leurs compétences comme le social, l’activité économique, les transports ou encore l’éducation. 

Le Gouvernement enchainera certainement les effets d’annonce, arguant d’agir concrètement pour l’emploi en allégeant les charges fiscales pour les entreprises, mais l’Etat est-il réellement en capacité de supporter durablement la compensation intégrale aux départements et au bloc communal ? 

Malheureusement les faits sont têtus et la réalité est bien moins parfaite. Quand l’Etat se désengage et abandonne les collectivités locales, c’est bien souvent aux ménages qu’il est demandé de compenser les pertes de produits et de dotation. Si la CVAE venait à être totalement supprimée comme l’envisage le Ministre Bruno Le Maire, la seule taxe foncière deviendrait alors le dernier ressort de l’autonomie fiscale des collectivités, faisant peser de manière induite sur les ménages et sur l’artificialisation des sols cet énième cadeau aux entreprises 

Cela s’inscrit en totale contradiction avec deux urgences de notre temps, à savoir le nécessaire soutien au pouvoir d’achat des ménages, et la préservation de nos sols en stoppant leur marchandisation en cohérence avec les objectifs fixés par la loi Climat et Résilience.  

Une désagréable impression de déjà vu, avec la très discutable suppression de la Taxe d’Habitation qui a essentiellement profité, rappelons-le, aux plus riches puisque les plus modestes bénéficiaient d’une exonération et dont la compensation est tout autant discutable. Mais aussi, une désagréable impression de mise en place progressive d’une tutelle fiscale de l’Etat sur les ressources des collectivités se fait ressentir à mesure que les transferts de TVA s’enchainent pour combler les allègements fiscaux successifs à destination des entreprises.  

Comment sauvegarder l’autonomie des collectivités et du bloc communal sans leur accorder des garanties face aux variations possibles des taux de TVA à l’avenir ? Comment garantir que la compensation ne deviendra par rapidement obsolète et déconnecté de la réalité de l’activité économique du territoire et de la valeur de l’argent dans un contexte inflationniste. 

A l’heure où les collectivités n’ont de cesse de se serrer la ceinture, à l’heure où elles se démènent pour faire toujours plus avec toujours moins, la perte de recettes fiscales émanant d’entreprises en bonne santé est, en plus d’être désagréable, totalement malvenue. Elle est d’autant plus inacceptable que notre déficit public atteint des sommets alors même que nous devons intensifier notre soutien aux ménages qui souffrent le plus de la flambée des prix.  

Nous ne pourrions comprendre cet énième cadeau qui serait fait aux entreprises en bonne santé, nous ne pourrions accepter qu’elles diminuent leurs efforts au moment où le reste de la société en redouble. Nous ne pourrions tolérer ce nouveau cadeau sans contreparties alors même qu’il va nous falloir augmenter les dépenses publiques dans les prochaines années dans de nombreux domaines comme la santé, l’industrie, la transition énergétique, l’éducation ou la justice. 

Partagez cet article !

Sur le même thème...