Rémi CARDON

Sénateur de la Somme

La RSE: un débat sans vote mais pas sans intérêt

A l'occasion de la sortie d'un rapport sénatorial donnant des recommandations sur le déploiement de la RSE, le Sénat a organisé un débat sur ce thème. Un débat sans vote certes, mais pas sans intérêt!

La délégation des entreprise du Sénat, dont je fais parti, a donc réalisé un rapport ayant pour objet de faire de la RSE une ambition et un atout pour chaque entreprise. Vous pouvez, si le sujet vous passionne consulter le rapport en intégralité, mais je vous recommande sa synthèse dans l’Essentiel et vais vous faire part de mes réflexions à ce sujet.

Si des propositions me semblent particulièrement pertinentes, voire même pour certaines triviales. En effet, dans certain cas, le besoin est abyssal. Je pense notamment à la différence de traitement pour les TPE qui ne peuvent pas forcément jouer à jeu égal avec les grand groupe. D’autres propositions me semblent sujettes à débat et certains aspect me semble même avoir été oubliés.

Car, le rapport le montre bien, la RSE est un sujet complexe et sur certains aspects, paradoxal.

Ainsi, d’un coté la RSE souffre d’une déferlante de normes qui inquiète notamment les PME, d’un autre coté elle est encore un « fourre-tout », malgré ces normes justement.

En effet derrière la RSE, nous pouvons retrouver:

  • la simple conformité à des référentiels ou des normes de Qualité ou Environnementale,
  • la constitution de fondation pour financer des projets sociaux, culturel… et j’en passe,
  • des politiques sociales particulièrement engagées avec par exemple des congés paternité de plusieurs mois, comme n’oserait à peine l’espérer certains mouvements féministes,
  • l’accueil parfois de Travaux d’Intérêt Généraux,
  • mais aussi du mécénat d’entreprise voire de l’intraprenariat.

Car la responsabilité sociale des entreprises est définie par la commission européenne comme l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes. Le champ des possibles est donc immense. Et, si les normes sont déjà nombreuses pour finalement imposer cette démarche « volontaire », il reste de vastes zones libres, pour ne pas dire de non-droit. Et, cela fait naitre d’inévitables inégalités.

Une proposition que j’aurai personnellement aimé voir bien plus haut dans la liste, puisqu’elle arrive en dernier: la modification du code des marchés publics. Il est évident que les entreprises qui s’engage volontairement dans une démarche vertueuse, sociétalement bénéfique, et durable doit être reconnue et encouragée pour cela. Nous arrivons là sur la Notion d’exemplarité de l’Etat qui doit par un code des marchés publics modernisé, favoriser les candidats vertueux. L’expérience montre malheureusement que si on attend que les entreprises se mettent spontanément dans des démarches vertueuse, comme pour le partage de la valeur, on peut attendre longtemps. Mais après tout, et comme dirait notre cher Président de la République, qui aurait pu prédire que le non-partage des super-profits se transformerait en super-dividendes?

Autre proposition que je valide pleinement, mais que j’aurai aimé voir plus tôt dans le rapport: Equilibrer les 3 piliers de l’ESG: Environnement Social Gouvernance. Le rapport aurait même pu, et dû selon moi, s’appliquer ce principe à lui-même. En effet, un grand nombre (trop peut-être) des recommandations me semblent accès sur les seuls impacts environnementaux et les indicateurs indispensables qui doivent y être associés. Mais la RSE, ne se limite pas au seul impact environnemental, même s’il est évident que c’est un aspect clé.

Ensuite, et sans remettre en cause les propositions qui sont faites, puisque la production de chiffres extra-financiers vont tendre à se développer et qu’il s’agit d’une opportunité à saisir, je trouve que nous devrions nous interroger sur l’intérêt et la pertinence même de la RSE, et aux inégalités qu’elle peut engendrer entre les entreprises de taille différente. Il est facile en effet pour les grands groupes internationaux de financer une politique RSE généreuse quand il se sont de fait extraits de leur responsabilité sociétale en pratiquant plus que de raison une optimisation fiscale. La première contribution sociétale d’une entreprise n’est-elle pas de participer à la mise en place des services publics: infrastructure de transport, services de santé, et autres services régaliens?

Pour le dire autrement, est-ce la place de l’entreprise de financer directement des services sociaux à l’attention de ses seuls salariés ou à l’Etat d’en assurer son juste équilibre pour l’ensemble du pays? A l’heure où nous cherchons à équilibrer le financement de nos retraites, une fiscalité plus juste, et surtout effective quel que soit la taille de l’entreprise, ne serait-elle pas souhaitable? Ce serait de plus, bien plus acceptable socialement, et nous éviterais les grèves à venir, suite à l’annonce par le gouvernement du report de l’âge de la retraite.

Enfin dans cet esprit, et pour compléter une des propositions du rapport que j’ai déjà évoqué, à savoir la modification du code des marchés publics, je pense qu’il faudrait aussi y intégrer la contribution fiscale des entreprises. Ainsi les PME qui bien souvent ne peuvent optimiser à outrance leur fiscalité aurait une bien meilleure note que le grand groupe qui lui use et abuse de ces optimisations. Car de nombreux exemples ont montré l’incompatibilité du RSE avec une recherche de revenus courtermistes des entreprises. L’exemple le plus marquant en la matière est quand même, de mon point de vue, le limogeage du Président du groupe Danone dont la politique pourtant exemplaire n’était pas du gout des actionnaires. Ainsi, les meilleures politiques RSE servent souvent avant tout les intérêts de ces entreprises au détriment d’un intérêt commun supérieur. Nous pouvons nous interroger s’il n’y a pas danger à laisser ces entreprises financer des services sociaux supra-légaux au détriment du plus grand nombre?

Pour tout cela et plus globalement, je pense que nous devrions prendre encore plus de recul et nous interroger, presque philosophiquement, sur le bienfondé et les limites de la Responsabilité Sociale des Entreprises. Ce fut donc l’objet du débat du 10 janvier dernier que j’ai donc eu le privilège d’ouvrir et lors duquel j’ai pu interpeler Olivier Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du Tourisme.

Vous pouvez retrouver la vidéo de mon intervention en ligne

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