Rémi CARDON

Sénateur de la Somme

L’utilisation controversée des canons anti-grêle

J’ai été interpellé par des élus locaux de l’Est du département sur la conduite à tenir face à l’utilisation, par quelques exploitations agricoles, de « canons anti – grêle ». Ces dispositifs très bruyants, puisqu’ils génèrent des explosions, sont utilisés au prétexte que les ondes de chocs limiteraient l’apparition de grêle. La protection des productions agricoles est bien sûr un enjeu. Mais l’utilisation de tels dispositifs est discutable compte tenu des nuisances générées et de leur efficacité d’autant plus que cette dernière ne serait pas prouvée.

Ce dossier est malheureusement un cas d’école où l’État abandonne les élus locaux, tout comme les sénateurs d’ailleurs. Préfecture et ministre ne répondent pas, ou pas vraiment, aux lettres et questions qui leur sont posées, laissant les élus locaux gérer des situations sans compromis évident.

Cinq Questions au Gouvernement, aucune réponse

C’est à cinq reprises que j’ai tenté d’interpeller le ministre de l’Agriculture à ce sujet. N’étant pas un dossier brulant, il me semblait proportionné de recourir à une question écrite, qui laisse normalement le temps aux services ministériels de préparer une réponse adaptée. Tel ne fut pas le cas. Et lorsque, j’ai transformé ma question écrite en question orale, cette dernière a été classée caduque à l’occasion d’un changement gouvernemental. Il faut parfois savoir faire preuve de persévérance…

Les 5 questions sans réponse du ministre de l’Agriculture :

  • Question écrite n°03589 soumise le 27 octobre 2022
  • Question écrite n° 1388 soumise le 14 juillet 2022
  • Question orale n° 2112 soumise le 27 janvier 2022
  • Question écrite n° 24803 soumise le 7 octobre 2021
  • Question écrite n° 23581 soumise le 1er juillet 2021

« M. Rémi cardon attire l’attention de M. le ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences de l’utilisation par certains agriculteurs de canons anti-grêle. Si le ministère de l’agriculture a été maintes fois interpelé, notamment en 2004 et 2005, au sujet de divers dispositifs anti-grêle, la réponse ministérielle se limite à inviter les professionnels agricoles a une concertation en préfecture. Quinze ans plus tard, alors que météo France annonce et répète qu’une évaluation de l’efficacité de tels dispositifs est impossible et que le ministère avance une efficacité qui ne dépasserait pas les 30 %, ces dispositifs se multiplient. Soit, ces dispositifs ont une efficacité et l’appropriation et la modification de la météo locale par un acteur économique pose de légitimes questions. En effet, que dire aux agriculteurs voisins qui doivent irriguer leur culture et constatent de troublantes superpositions entre les cartes répertoriant les canons en place et les zones ayant bénéficié de très faible niveau de pluie ? Soit, ces dispositifs n’ont pas d’efficacité prouvée et, les nuisances sonores qu’ils produisent, avec des explosions de 130db toutes les 5 secondes, sont totalement injustifiées et inacceptables. Il lui demande donc quelle règlementation encadre l’utilisation de ces canons anti-grêle. »

Lettre au préfet

Les services déconcentrés de l’État sont globalement à l’écoute et au service des élus locaux et l’inverse aussi d’ailleurs. Mais il arrive que la communication ne passe pas toujours. En tant que sénateur, je peux attirer l’attention du préfet et de ses services sur les problématiques du territoire, et je ne m’en suis pas privé pour ce sujet.

Proposition d’arrêté municipal

Suite au silence assourdissant du ministre qui n’aura répondu à aucune des cinq questions posées et vu l’attentisme de la préfecture sur ce sujet, j’ai pu proposer un arrêté municipal aux élus municipaux qui m’ont sollicité.

En effet même si cela concerne d’autres nuisances sonores, la réponse du ministère de l’intérieur à la question N°13-467 de Mme Zimmermann du 10/07/2007, laisse clairement entendre qu’il est du devoir du maire d’user de ses pouvoirs de police en vue d’assurer le respect de la tranquillité publique. Ainsi ce dernier doit, puisque toute inaction ou insuffisance de sa part peut être de nature à engager la responsabilité de la commune, prendre des arrêtés ayant pour objet d’édicter des dispositions particulières pour réglementer certaines activités bruyantes.

Ainsi les maires peuvent et devraient même prendre un arrêté pour limiter voire interdire l’usage de ces dispositifs notamment la nuit. Mais, ce bruit dépassant les limites territoriales des communes, il semble donc que seul un arrêté préfectoral puisse être adapté à la situation.

J’ai donc appelé à nouveau le 17 juillet 2023 les services de l’Etat à se saisir de ce dossier et à trouver une solution adaptée en lien avec la chambre d’agriculture.

Car il s’agit d’un sujet délicat où le dialogue avec les agriculteurs doit être entrepris. Ces derniers n’utilisent pas ces équipements pour le plaisir et sont prêts à tout pour tenter de sauver leurs récoltes. Même si l’efficacité de ces dispositifs est discutable, leur interdiction ne serait pas sans poser problème ou sans du moins inquiéter ces derniers.

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