Rémi CARDON

Sénateur de la Somme

L’industrie aussi a de l’avenir

Fonderie, émaillage, assemblage, l'Industrie de notre pays a souffert d'un long déclin mais reste un acteur économique plein de ressources pour générer de la richesse et des emplois mais aussi affronter l'enjeu de notre siècle, la transition écologique et énergétique. Zoom sur l'entreprise Auer à Feuquière en Vimeu...

La Picardie maritime dispose de nombreux atouts. Au delà de la plus belle baie du monde que nous ne présentons plus, et plus globalement d’une façade maritime des plus agréables, le tissu industriel de cette partie de la Somme y est particulièrement dynamique, notamment dans la métallurgie (serrure, robinetterie…), ou la menuiserie (fenêtres de toit) mais pas seulement. Installé depuis plus de 130 ans, le site Auer de Feuquières-en-Vimeu est un des piliers de cette remarquable activité économique pleine de promesses pour notre avenir.

La première chose qui frappe en arrivant sur place c’est le logo Intuis qui est venu remplacer celui d’Auer, même si ce dernier persiste encore ça et là, comme sur certains vêtements de travail des salariés. Le groupe Muller, propriétaire du site, a choisi de se doter d’une marque commerciale unique pour l’ensemble des produits de ses filiales et Intuis devrait petit à petit remplacer le nom de Auer, mais aussi celui de Noirot ou Applimo.

La fonderie historique ayant servi à produire les becs Auer, utilisés pour l’éclairage au gaz des rues des villes du début du XXème siècle, est toujours en activité même si les produits fabriqués ont forcément évolué. Corps de chauffe, éléments pour cuisinière, la fonte garde des propriétés mécaniques incomparables qui la rende donc irremplaçable sur certains éléments. Si cette activité a su se renouveler et s’adapter au grès du temps, l’impressionnante expansion du site de Feuquières ne vient pas de cette activité historique mais de sa production de chauffe-eaux et de pompes à chaleur.

L’essor et les agrandissements successifs du site ces 20 dernières années est assez impressionnant. Le plus ancien atelier a été rénové en 2021, pour un total de 5 millions d’euros, et a pu à cette occasion bénéficier de financement du Plan de relance pour moderniser le processus d’émaillage des cuves en acier utilisées pour une partie de la fabrication des chauffe-eaux de la marque.

Une autre partie de l’atelier est consacrée à la fabrication des éléments puis à l’assemblage de chauffe-eaux en inox. Les procédés sont précis et ne tolèrent aucun défaut: soudure bord à bord, passivation, test d’étanchéité. Ces équipements dit « thermodynamiques » accueillent comme les réfrigérateurs, un groupe froid, autrement dit un compresseur faisant circuler un liquide frigorifique. Intuis a choisi le gaz R290 qui est particulièrement respectueux de l’environnement, avec un potentiel de réchauffement gloval (GWP) de seulement 3 quand les gaz concurrents ont un impact 500 fois supérieur. La faible quantité de ce fluide (moins de 150g pour un chauffe-eau) exige un circuit particulièrement étanche (fuite tolérée <1g par an) et donc une maitrise absolue des soudures (brasage) lors de l’assemblage.

Ce savoir-faire n’étant pas assuré par les formations initiales des employés, le site s’est doté d’un formateur interne affecté à 100% à cette tache et au perfectionnement des salariés. La formation devient même une problématique plus globale. Intuis va même jusqu’à proposer des formations à ses produits aux installateurs (plombier-chauffagiste). Cette stratégie devient un atout mais nous ne devons pas oublier qu’elle comble une lacune des formations proposées et doit nous interroger sur l’écart persistant entre besoin du marché et des entreprises et formations proposées.

Le dernier atelier est lui consacré aux pompes à chaleur, qui présentent le plus fort potentiel de croissance. Cette solution est en effet pleine de promesses. Par conception une pompe à chaleur, tout comme le chauffe-eau thermodynamique qui a repris le même principe de fonctionnement, collecte plus de chaleur qu’elle ne consomme d’énergie avec un rendement, appelé « coefficient de performance énergétique (COP) », au moins égal à 3. Cela signifie que pour 1 kWh d’électricité consommée, 3 kWh de chaleur sont restitués. Le remplacement d’une chaudière fioul ou gaz par une PAC peut ainsi réduire la facture d’énergie jusqu’à 60%. Cela confère un immense avantage économique et écologique pour ces équipements utilisant une énergie électrique particulièrement bas-carbone en France. Et, compte tenu de l’évolution actuelle du prix de l’énergie et des incertitudes sur les exportations des énergies fossiles dans un monde aux tensions géopolitiques particulièrement vives, cet avantage risque de devenir de plus en plus significatif pour ne pas dire stratégique.

Même notre Président de la République ne s’y est presque pas trompé en déclarant le 25 septembre dernier: « Nous avons décidé de tripler la production de pompes à chaleur d’ici à 2027 et d’arriver à en produire un million sur notre territoire et former en parallèle 30 000 installateurs. ». Le marché annuel français est effectivement de l’ordre de 350 000 unités mais seulement 100 000 sont actuellement fabriquées en France. Tripler la production nationale est déjà un défi mais la décupler est d’un tout autre niveau. Malgré tout, Intuis compte bien faire sa part.

Localement, à Feuquières la production qui était de 10 000 PAC en 2023 doit passer à 40 000 unités en 2024. Le Groupe Intuis envisage de monter sa production à 200 000 unités par an d’ici 2027. Même s’ils ont l’habitude ces dernières années de pousser les murs, cela risque de ne pas suffire et tout ne pourra pas se faire à Feuquières. Mais la stratégie de cette marque française est en partie fondée sur la certification « Origine France Garantie », donc la production sera française à défaut d’être samarienne, ce qui n’est pas si mal.

Cette entreprise joue le jeu, et mise sur le « Fabriqué en France ». A nous d’être vigilants, car « Nos achats font nos emplois ». Si ma prime rénov doit permettre aux particuliers de s’équiper d’installations moins énergivores, à nous de nous assurer que cela ne favorise pas l’importation de produits certes moins chers mais usant d’un dumping social et environnement inacceptables. Les dernières règles et conditions pour obtenir le bonus écologique sur les véhicules électriques est assurément un bon exemple à suivre et à généraliser. Autre levier pour favoriser l’essor de ces produits, est ou devrait être la commande publique. Pour cela, des critères sociaux et environnementaux seraient assurément à ajouter à notre code des marchés publics pour assurer là aussi une véritablement saine mise en concurrence. Sans aller jusqu’à imposer des produits fabriqués en France, on devrait pouvoir les pénaliser s’ils viennent de l’autre bout du monde.

Au delà des enjeux d’emploi, de formation et globalement d’activité économique de notre territoire, cette visite était aussi motivée par le fait qu’Auer est situé sur une des zones labellisées « Territoire d’Industrie » de notre département. Venant d’être nommé rapporteur de la mission d’information de la commission des affaires économiques afin d’évaluer ce dispositif, mon but était aussi de sonder comment cela avait pu ou non aider cette entreprise. Il semble que pour ce cas précis, ce ne fut pas probant mais d’autres visites et d’autres auditions doivent me permettre de m’en donner un meilleur aperçu.

Je suis particulièrement heureux d’avoir pu visiter le site Intuis de Feuquières en Vimeu. C’est assurément un exemple à suivre qui fait rimer: emploi industriel et transition énergétique. Je remercie particulièrement Eric Baudry, directeur des Affaires Publiques, et Mathieu Leullier, responsable de production, pour leur accueil et leurs précieuses explications lors de notre visite.

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