Où en sommes nous?
Zones commerciales, zones logistiques et autres ZAC en tout genre, l’artificialisation à outrance que connait notre pays pose problème. Avec l’équivalent d’un département français de terres agricoles qui disparait tous les 10 ans, ce sujet commence enfin a être pris au sérieux.
Les plateformes logistiques sont assez justement montrées du doigt au regard du très faible nombre d’emplois créés par rapport au foncier utilisé. Le solde serait même négatif compte tenu des emplois détruits chez les commerçants « traditionnels ».
Pour autant, l’activité économique ne représente qu’une part limitée de l’artificialisation des sols (14%), loin derrière les infrastructures de transport (28%) et de l’habitat (42%).
Sans aller jusqu’à accuser la maison individuelle de tous les maux comme l’a fait la Ministre du logement, Emmanuelle Wargon, il convient de reconnaitre que le sujet est complexe et qu’il remet en cause la politique d’aménagement du territoire de notre pays.
La déconnexion entre l’artificialisation des sols et l’augmentation de notre population interroge. Au cours des 40 dernières années, notre population a augmenté de 19% alors que l’artificialisation a progressé de 70%. Et, si nous nous comparons aux autres pays, nous avons artificialisé 443m² par habitant selon Eurostat, soit 25% de plus que nos voisins. L’étalement urbain et péri-urbain ainsi que la sous exploitation du parc urbain existant sont en cause.
Ce que dit la loi Climat et Résilience :
La loi définit l’artificialisation des sols comme tout ce qui ne relèverait pas du naturel ou de l’agricole. Elle fixe un objectif clair avec un solde net d’artificialisation à zéro pour 2050.
Pour y parvenir, la première étape consiste en une diminution de l’ordre de 50% de la consommation de foncier à l’horizon 2030 sur la base de la consommation des dix dernières années.
Quelle mise en œuvre ?
Au côté d’autres parlementaires, j’ai pu expliquer la mise en œuvre de cette loi lors d’un séminaire organisé par l’Aduga le 25 novembre dernier.
Concrètement, la modification des Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) doit avoir lieu dans un délai de deux ans, soit d’ici le 22 août 2023. L’approche ne doit pas être seulement descendante puisque les EPCI ont jusqu’au printemps 2022 pour faire part de leur proposition à leur région. Les Schémas de Cohérence Territoriaux (SCoT) et les Plan Locaux d’Urbanisme (PLU) auront respectivement 5 et 6 ans pour s’adapter.
L’enjeu est de taille et les délais sont donc relativement contraints. S’ils venaient à être dépassés, ce serait tout simplement la suspension des autorisations d’urbanisme qui surviendrait.
Opérationnellement, cette réforme doit à minima nous amener à nous interroger sur la pertinence de certains projets de ZAC dans notre département dont la consommation de foncier semble déraisonnable comme Borélia 2 avec 62Ha voire 195Ha à terme ou encore la ZAC du Bosquel avec 45Ha.
Mon interprétation et mes recommandations
Au delà de ma présence au séminaire de l’Aduga, et conformément à l’esprit de la loi Climat et Résilience, je pense qu’il faut préconiser l’approche ERC: Eviter, Réduire, Compenser.
Eviter l’artificialisation impose de lutter en premier lieu contre le bâti vacant. Je préconise l’instauration par les collectivités locales de la Taxe Habitation sur les Logements Vacants (THLV). Il faut privilégier la rénovation du bâti ancien, rendue possible par le récent et méconnu dispositif Denormandie. L’utilisation de foncier déjà artificialisé est également à privilégier. La récente extension de l’EPF du Nord-Pas-de-Calais (Etablissement Public Foncier) sur le territoire du département de la Somme doit aider les collectivités locales dans la reconquête des friches.
Pour Réduire l’artificialisation, il faut augmenter la densité urbaine, en instaurant par exemple des Coefficient d’Occupation des Sols (COS) supérieur dans les PLU.
Pour Compenser l’artificialisation, l’exercice est plus difficile, puisqu’il s’agit de renaturer certains terrains déjà artificialisés. Le département de la Somme encore, et heureusement, très rural est probablement moins concerné. Ceci dit, la création d’ilots de fraicheur dans nos villes tels que des parcs et jardins partagés est un axe de réflexion que nos élus locaux doivent intégrer.
Ma contribution sur ce thème
Sur le plan législatif, nous devons accompagner cette dynamique en adaptant certains textes et certaines politiques publiques qui peuvent avoir des effets négatifs.
Je demanderai une évaluation du dispositif Pinel. Les créations de logements pour le locatif avec ce dispositif sont souvent de purs produits de défiscalisation cherchant la meilleure rentabilité et étant décorrélée des besoins des territoires. Je doute que cela soit propice à une artificialisation raisonnée de nos sols.
J’ai pu par ailleurs à l’occasion de l’examen de la proposition de loi tendant à favoriser l’habitat en zones de revitalisation rurale (ZRR) déposer des amendements visant notamment à pérenniser dans le temps le dispositif Denormandie et, d’instaurer une part de taxe d’aménagement revenant à l’état afin de pouvoir financer ces politiques publique en faveur du ZAN.
Références et pour aller plus loin :
AUAT – Comprendre l’objectif zéro artificialisation nette des sols – avril 2021 (aua-toulouse.org)
TERB2118777C.pdf (developpement-durable.gouv.fr)
Objectif de zéro artificialisation nette à l’épreuve des territoires (senat.fr)